Suivi des relectures #1 – Ulysse (et un invité surprise)

Ulysse - James Joyce

Avec l’arrivée de décembre, j’ai donc démarré ma seconde lecture d’Ulysse, moins de cinq ans après la découverte initiale qui m’avait laissée sur le carreau.

Lire Ulysse, c’est bien plus que lire un roman (même de 1 000 pages), c’est une expérience totale. L’approche de Joyce m’a obligée à revoir ce qu’était pour moi un roman mais aussi la littérature. Pourquoi lisais-je ? Quelles étaient mes attentes ? Qu’est-ce qui faisait qu’un livre méritait qu’on lui accorde du temps et de l’attention ? Ulysse a mis la barre tellement haut que j’ai passé les quinze jours suivants à abandonner tout ce que je tentais de lire. Cette oeuvre m’a aussi fait découvrir que la « littérature expérimentale » me plaisait, que j’aimais être bousculée. J’ai été fascinée comme jamais.

Cet article de Slate traduit parfaitement tout ce que j’en pense. Vraiment, lisez-le, ne serait-ce que parce qu’il présente très bien ce qu’est le roman et ce qu’il n’est pas, sans chercher à faire croire que c’est une bonne lecture de plage pour autant. Disons que l’argumentation est honnête et nuancée quand, habituellement, on lit tout et n’importe quoi sur ce livre, entre snobisme et dénigrement.

La relecture est différente. En ce qui concerne la compréhension, si je relis avant chaque chapitre sa notice, j’ai plus de références que la première fois, plus de compréhension intuitive aussi. Pour ce qui est de l’émotion de lecture, le pur enchantement de la découverte ne peut se revivre mais ne lisant pas chaque note comme la première fois, je profite mieux du flux narratif et remarque donc mieux certains effets. Or cette façon qu’à Joyce de redéfinir la forme et de la fondre au propos est l’atout majeur du texte (et ce qui déconcerte aussi si on se braque).

Pour profiter de cette lecture, il faut oublier tout ce que l’on sait sur le roman, toutes les représentation que l’on s’en fait. Plus qu’intellectualiser, il me semble qu’il vaut mieux l’approcher avec ses tripes et accepter d’être dérouté-e. C’est très vivant ; Joyce recréé par la langue le fourmillement d’une ville, l’intériorité des personnages et bien des choses qu’on ne saisit généralement qu’avec les sens. On a l’impression de visionner un film plus que de lire un livre.

Si j’écrivais plus haut que je saisissais plus de références, j’ai quand même fini par m’agacer d’en rater pas mal tirées d’Hamlet, pièce que j’ai pourtant déjà lue deux fois. J’ai donc le Shakespeare en cours de relecture (et je souligne encore des tas de répliques que mes précédentes lectures n’avaient pas relevées). Cette oeuvre, comme tant d’autres de Shakespeare, foisonne d’expressions que nous avons déjà croisées sans pour autant savoir qu’elles étaient tirées de ce drame. Lors de ma première lecture, cela m’avait donné un fort sentiment de familiarité, ce qui était pour le moins étrange pour une « découverte ».

Je n’ai pas avancé autant que je l’aurais souhaité, ayant eu une semaine compliquée, mais cela reste confortable, qui plus est dans un contexte chahuté, de tenir des textes connus plutôt que de devoir découvrir tout un univers, des personnages, etc.

Bonne semaine à tous ceux qui passeront par là !

5 réflexions sur “Suivi des relectures #1 – Ulysse (et un invité surprise)

  1. Ada 10/12/2019 à 22:22 Reply

    Je n’arrive pas à savoir si ce livre me fait plus peur après ton article qu’avant ou pas… (j’avoue qu’il est un peu rassurant aussi, alors peut-être pas) Bon, je vais aller lire cet article sur Slate pour en avoir le coeur net !

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    • Flo 11/12/2019 à 16:06 Reply

      J’adore ton commentaire 😀 J’espère que Slate t’aura laissée moins perplexe. En fait, c’est un livre que j’adore mais qui est vraiment ardu (je viens, encore, de rater une référence à Hamlet – très subtile pour le coup quand même).

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      • Ada 12/12/2019 à 11:41 Reply

        L’article de Slate m’aura aidé… mais aussi beaucoup moins (leur extrait du livre m’a foutu l’angoisse). En tout cas, c’était intéressant, j’ai appris des trucs dessus.

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        • Flo 12/12/2019 à 21:14 Reply

          Sans contexte, le sens de l’extrait n’a aucune chance d’émerger (même moi, j’ai galéré pour le retrouver et ne le rattachais pas au bon personnage).Il illustre ce qu’écrit le journaliste au-dessus, à savoir la transcription du chaos des pensées. En fait, Joyce superpose l’action à la parole : donc il va décrire à la fois ce que fait un personnage et ce à quoi il pense, sachant que bien souvent nos pensées se télescopent – ex : tu vas faire des courses, tu penses à la liste mais aussi à ce que tu vas faire après ; tu vois au passage quelque chose qui lancent tes pensées sur une autre piste sans transition, etc. Habituellement, un roman – et c’est un de ses artifices – va scinder les choses parce que c’est plus simple d’expliquer au lecteur de Machin fait ceci, que Machin pense à cela PUIS à autre chose. Dans la vie, on fait et pense en même temps et souvent à plusieurs choses à la fois et non pas à la suite. Voilà ce que recréé (notamment) Joyce ici : une transcription littérale du flux mental.
          En revanche, je ne vais pas te mentir, contexte ou pas, cet extrait est révélateur du livre dans son ensemble.
          Mais, comme tu l’écris, je trouve que l’article de Slate est instructif en soi, même s’il ne va pas nécessairement convertir de futurs lecteurs ; il rend bien compte du livre.

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          • Ada 12/12/2019 à 22:05

            Oui, il me semble quand même assez particulier ce roman. Je pense qu’il faut être dans l’esprit de lire un tel récit au niveau du style. (le mois dernier, ça aurait clairement été impossible pour moi)

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